Préfet du district de Saint-Maurice depuis 20 ans, Jérôme Borgeat effectue aujourd'hui son dernier jour de travail. Le Conseil d'Etat a accepté sa démission pour raison d'âge. A 70 ans, et à l'heure de passer la main à Pascal Gross, il revient sur les moments clés qui ont marqué sa carrière, et notamment la récente votation R21.
Vous avez failli être le dernier préfet de Saint-Maurice...
Oui, et je constate que le peuple n'a pas suivi les recommandations cantonales. C'est une satisfaction pour les préfets, particulièrement pour mes collègues qui restent en place. Quant à savoir pourquoi les Valaisans ont voté de la sorte, le non à la première question sur la réforme du mode d'élection au Grand Conseil a influencé le non à la deuxième, portant sur les modalités d'organisation des autorités. Je pense aussi que certains n'ont pas voulu de la confirmation de l'élection du Conseil d'Etat au système majoritaire. Et la complexité du sujet a joué un rôle. La volonté de garder les préfets et les districts a peut-être eu une faible influence.
Vous même, qu'aviez-vous voté ?
J'avais opté pour le non, car je pense que les préfets doivent rester en place. La fonction a profondément changé. A mes débuts, il fallait avant tout représenter le Conseil d'Etat. Aujourd'hui, il s'agit de jouer un rôle de coordinateur des communes et de responsable des institutions intercommunales voire régionales. Je n'ai pas compris un élément: l'autorité cantonale aurait simplement pu modifier la législation en s'adaptant à cette réalité. Il y avait deux choses à faire : valider ce rôle de coordination et modifier le mode de désignation des préfets. Qu'ils ne soient plus nommés par le gouvernement mais par les autorités du district. Je regrette que cette adaptation n'ait pas été envisagée au lieu de cette grande réforme.
Cette idée, l'avez-vous suggérée?
Le Conseil d'Etat a reconnu le rôle actuel des préfets dans son message sur R21. Alors pourquoi ne pas l'implémenter ? Va-t-il désormais envisager une telle modification de la loi ? Ce serait souhaitable. La différence entre les propos du message gouvernemental et ceux entendus durant la campagne m'a frappé. La fonction de préfet a été minimisée et même ironisée...
Venons-en au district de Saint-Maurice. Certains disent qu'il n'existe pas...
Personne ne conteste qu'il est géographiquement et économiquement situé entre les pôles de Martigny et de Monthey. Il a malgré tout su créer sa propre identité. Parmi les petits districts, c'est l'un de ceux qui ont développé le plus d'institutions intercommunales : la Fondation Saint-Jacques qui gère deux EMS, le CMS subrégional, le cycle d'orientation, l'APEA qui a remplacé les chambres pupillaires, le service officiel de la curatelle, l'association des parents d'accueil... Ces éléments ont pu se mettre en place sous la responsabilité de la préfecture. Pas mal, pour un petit district !
Quelles tâches devra réaliser votre successeur Pascal Gross ?
Faire grandir ce qui existe déjà, développer les appartements protégés et maintenir l'unité entre les présidents de commune. Ce point est capital, car tout ce que je viens de citer a pu se concrétiser grâce au front commun des autorités communales. J'ai côtoyé 29 présidents et j'ai toujours rencontré une grande solidarité, au-delà des partis.Les préfets n'ont pas de pouvoir décisionnel. Mais mettre ensemble les gens est important. On peut réunir, guider, rapprocher. Et là, la préfecture a joué son rôle. Sans bonne coordination, le CO de Saint-Maurice n'existerait pas. La moitié des élèves irait à Monthey, l'autre à Martigny. Et on n'aurait peut-être pas d'EMS ni de CMS. Le contre-exemple de la police - Vérossaz et Massongex s'étant tournés vers Monthey -, n'est pas grave. Cela n'a pas empêché les autres communes de créer une entité propre.
Comment allez-vous passer votre retraite ?
Je n'ai pas tout à fait terminé mes mandats. Je reste président de la Fondation Saint-Jacques et du CMS, mais aussi de SEIC-Télédis, qui n'est cependant pas lié à la préfecture.
Dans le Chablais, on a l'impression de vous avoir moins vu que votre homologue Antoine Lattion...
C'est certain et logique. Le district de Monthey est quatre fois plus grand que celui de Saint-Maurice et a des relations avec Vaud et la Savoie. De plus, Antoine s'est profilé dans les dossiers liés aux remontées mécaniques.
Avez-vous fait front commun par rapport au reste du canton ?
Nous avons beaucoup collaboré dans le cadre de la commission régionale de santé ainsi qu'à travers la plateforme santé Haut-Léman. Nous avons développé un sentiment chablaisien, mais de manière positive. Pas en opposition avec le reste au canton.
Source : Le Nouvelliste du 30.06.2015